Je voudrais vous raconter l'histoire d'Henry Lejeune, non pas en ce qu'elle a d'anecdotique, non pas comme l'histoire de la relation d'un fils et de son père, mais en prenant une distance;. Ce que j'aimerais que vous compreniez, en vous racontant cette histoire, c'est simplement en quoi elle est universelle, en quoi l'histoire d'Henry Lejeune vous concerne tout autant que moi, en quoi elle peut vous être utile pour améliorer votre vie quotidienne. Donc voila; Au départ, c'est l'histoire d'un adolescent qui ne sait pas trop quoi faire de sa vie. Il a grandit dans une famille peu cultivée, où personne ne s'intéresse à l'art, à la musique, à la poésie, à la littérature....Ce n'est pas une famille bourgeoise ou aristocratique où les enfants font des études supérieures ou universitaires, mais ce n'est pas une famille ouvrière non plus. Son père est garagiste et est propriétaire de sa maison et de son atelier. C'est donc une famille d'indépendants avec des connaissances techniques. Sur la façade de la maison, il est inscrit "Garage Lejeune et fils". Mais le fils dont il s'agit, ce n'est pas lui, c'est son grand frère Alphonse. Car il fut élevé dans une famille nombreuse. Il a aussi un plus jeune frère, Jacques, qui s'intéresse à la mécanique, mais lui, Henry, cela ne le passionne pas vraiment. C'est un rêveur. Ce qu'il aime, c'est le vélo ... Mais, ses parents se séparent. Son père s'en va et son frère aîné meurt . Il lui faut donc trouver rapidement du travail, alors qu'il n' a encore qu'un diplôme d'école primaire. Un ami de son frère Alphonse, le prend sous son aile et décide de l'aider. Chimiste de formation, il a beaucoup de relations. Il engage tout d'abord le jeune Henri comme commis dans la pharmacie qu'il vient d'ouvrir à Bruxelles. Il est chargé de livrer les médicaments aux quatres coins de la ville. Mais Henri ne peut s’empêcher de flâner dans les rues de la capitale ce qui n'est pas très rentable.Alors, il le fait engager dans une entreprise de construction métallique, mais cela ne marche pas non plus. Il lui trouve alors une place dans une importante manufacture de céramiques; Une faïencerie. Cette fois, quand il commence à déconner et à distraire ses camarades, on lui propose d'intégrer l'atelier des créatifs, comme apprenti, à condition qu'il suive les cours du soir d'arts décoratifs. Bon, je fais ici une petite pause pour vous laisser le temps d'étudier ce que sont les arts décoratifs, la différence avec les "Beaux arts" ...etc
https://fr.wikipedia.org/wiki/Arts_d%C3%A9coratifs
Nous avons vu, combien l'histoire des beaux arts et l'histoire des arts décoratifs sont entremêlés au vingtième siècle. C'est ainsi que tout en apprenant l'art du dessin et celui de la céramique, Henri Lejeune découvrit les grands plasticiens de son époque. Mais, rejoindre les rangs des créatifs de cette importante faïencerie de La Louvière ( http://www.keramis.be/) lui permit de découvrir un autre univers tout aussi passionnant, et qui l'animera et l'inspirera tout au long de sa vie; La poésie.
A l'usine, Henri s'est lié d'amitié avec un designer du nom de Pierre Assez. Pierre lui présenta sa belle sœur Madeleine Biefnot, qui avait le même âge qu'Henri. Madeleine fut la maitresse du poète Franz Moreau de qui elle eu trois enfants. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Franz_Moreau) Elle-même poétesse, il est dit dans sa biographie qu'elle fut l'égérie des surréalistes Louvièrois. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Madeleine_Biefnot)
Etant donné le coté ambigu de la situation (Nous sommes en 1954, Henri est marié depuis deux ans avec ma mère Louise, cette même année Madeleine rencontre Franz Moreau qui à 41 ans et est marié lui aussi, depuis 1937. Henri à déjà un enfant et Franz Moreau 2, Henri et Madeleine ont 24 ans ! ) et le caractère des protagonistes, je n'ai jamais osé leurs demander d’éclaircissement, j'imagine facilement qu'Henri est tombé amoureux de Madeleine, que cet amour n'était pas réciproque et qu'il créa une frustration qui fut à la base de son engagement poétique et surréaliste.
Mais revenons un peu en arrière pour nous pencher sur un autre mystère. Il est admis que Madeleine fut l'égérie des surréalistes Louvièrois. Qu'est-ce que cela peut-il bien signifier ? Les surréalistes Français ont eu avant ceux de La Louvière, leur égérie, leur inspiratrice. Elle s'appelait Gala. (https://www.lexpress.fr/culture/livre/gala_798535.html) André Breton eu même son égérie personnelle, elle s'appelait Léona et fut connue sous le nom de Nadja . (https://fr.wikipedia.org/wiki/Nadja_(Andr%C3%A9_Breton))
Pour Madeleine, voyons tout d'abord de quel groupe surréaliste il peu bien s'agir ? Le premier groupe surréaliste Louvièrois fut le groupe "Rupture". Créé en 1934, il organise la première exposition surréaliste en Belgique en 1935 et se dissous en 1938. Madeleine avait 8 ans ! En 1939 est fondé le Groupe surréaliste en Hainaut qui disparaît avec le début de la guerre . Trop tôt aussi pour Madeleine. Reste le groupe "Haute Nuit" fondé à Mons en 1945, par Achille Chavée (https://fr.wikipedia.org/wiki/Achille_Chav%C3%A9e), Lefrancq, Van de Spiegele et Simon. Pourtant, dans une lettre de Chavée à Magritte, il bien question d'une réunion à La Louvière (25/12/45) Reconstitution du Groupe Surréaliste en Hainaut au cours d'une réunion tenue à La Louvière .
«Font partie de ce groupe : Bury, Van de Spiegele, Lefrancq, Simon, Havrenne, Lorent, Ludé, Bovy, Michotte, Matisse et moi-même› » (A. Chavée à R. Magritte, 25/ 12/45))mais il est dissous en 1946. Bon là Madeleine à 16 ans . ...
Sous l'influence des créatifs de son entreprise, et probablement pour avoir l'air moins con vis-à -vis de Madeleine Biefnot, Henri se lance dans l'étude de la poésie. Mais quels sont les outils à sa disposition et quelle est la situation de la poésie dans la Province de Hainaut en 1954 ? Et puis surtout, quels poètes Madeleine lui conseille-t'elle de lire ? Il est possible, qu'ayant été scout, Henri ait lu Jules Verne et Jack London. Jacques Brel commence seulement sa carrière et n'a pas encore sorti son premier disque, Brassens par contre, sort son troisième disque (Les sabots d'Hélène) et commence à passer à la radio. https://www.youtube.com/watch?v=k-8oQiFRIt0
J'ai bien conscience que ce que j'écris ici n'intéresse qu'un tout petit nombre de personnes. Je n'ai pas connu Achille Chavée dans les années 50, mais j'ai très bien connu Madeleine Biefnot dans les années 70. L'aigreur, la déception, la misanthropie, devait probablement être la même. Le peuple ne s’intéresse à la poésie que quand la situation est désespérée ( Voir "le chant des Partisans" mais surtout "Liberté" de Paul Eluard qui eu un grand succès pendant l'occupation en Francehttps://www.youtube.com/watch?v=c6hb2OD5d3k )
Je pense aussi à Pablo Neruda . "Devant dix mille mineurs, écoutant depuis des heures, sous un soleil de plomb, les discours politiques des militants syndicaux, lorsqu’on annonce que Neruda va dire un poème, alors d’un seul geste tous ces hommes se découvrent, saluant ainsi le pouvoir que la poésie est capable de mettre au service des peuples. Et toute son œuvre est là pour en témoigner." http://pierresel.typepad.fr/la-pierre-et-le-sel/2011/10/pablo-neruda.html
Heureusement, il y a parfois des professeurs qui en secondaire sont passionnés par la poésie, et savent transmettre cette passion ... http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19453023&cfilm=5280.html
